Critique du transhumanisme

Le transhumanisme est un mouvement qui milite pour une fusion entre la machine et l’humain, permettant soi-disant à ce dernier d’échapper à toutes les limites physiques, intellectuelles et même ontologiques qui le caractérisent – du sommeil jusqu’à la mort, en passant par une faible capacité de calcul. À l’image de la plupart des idéologies, le transhumanisme dépeint comme un mouvement naturel et inévitable ce qui relève en fait d’un parti pris très marqué, qui conduirait, à mon sens, à un être humain plus réduit qu’augmenté.

Si la philosophie transhumaniste compte de nombreux soutiens dans le secteur technologique – notamment dans des entreprises comme Google, qui emploient des moyens considérables pour la faire progresser – elle est également dénoncée par un certain nombre d’intellectuels. Néanmoins, ces critiques soient souvent vagues, voire « poétiques », et donnent parfois l’impression qu’elles reposent sur une espèce de nostalgie de l’humain tel que nous le connaissons plutôt que sur des arguments solides et convaincants. C’est pourquoi je résume ici en cinq points les failles du transhumanisme :

1.    Inégalités ou uniformisation totale

L’homme se verrait plongé dans une course sans répit à la performance et à l’optimisation, laquelle conduirait soit à des inégalités abyssales entre ceux qui accèderaient aux dernières actualisations et les autres, soit à une uniformisation totale de l’humanité qui fonctionnerait tout entière avec un même système opérationnel, sacrifiant sa diversité.

2.    Marchandisation de l’humain

Différents composants de nos corps et de nos cerveaux deviendraient des pièces détachées ou du software, produits et commercialisés par des entreprises ­– sans doute très concentrées à l’image du monde numérique actuel – qui acquerraient un pouvoir illimité sur nous. L’humain vivrait dans l’attente incessante d’une nouvelle actualisation comme il attend le prochain iPhone, anticipant son obsolescence à venir.

3.    Vulnérabilité et incapacité de se déconnecter

L’homme-machine, 100% connecté et dépendant de la technologie pour fonctionner, n’aurait plus aucun moyen d’appuyer sur le bouton Off pour se retrouver soi-même. Il perdrait tout recul, serait rendu entièrement transparent et son cerveau connecté serait vulnérable « hackable » par des entités extérieures. Qu’adviendrait-il par exemple de l’homme-machine en cas de panne généralisée ?

4.    Performance contre épanouissement

Le transhumanisme repose sur l’idée selon laquelle on vivrait mieux si on s’affranchissait de toute limite pour devenir ultra-performant (les indicateurs de performance, tels que le QI, sont partout dans le discours transhumaniste, au mépris des différents types d’intelligence). Ou bien, que nous pourrions régler la question du bonheur en jouant avec les hormones, comme s’il s’agissait d’un problème technique de plus. Cette vision simpliste et réductrice s’éloigne de celle d’un bonheur fondé sur la croyance dans le fait que la vie a un sens et qu’elle vaut la peine d’être vécue.

5.    Un pari risqué, unilatéral et arrogant

Le transhumanisme pousse à l’extrême la question du pouvoir de l’homme sur la nature. Est-il acceptable de jouer aux apprentis sorciers avec la condition humaine, fruit de millions d’années d’évolution, pour la changer en quelques années ? Bricoler le corps et le cerveau humain pour décupler leurs performances aurait des conséquences incontrôlées qui s’imposeraient à toute l’humanité, obligeant tout le monde à s’augmenter pour ne pas rester en arrière.

 

Pour une réflexion plus complète sur cette question, je vous renvoie au chapitre « Endoctrinés » de mon livre Anesthésiés, dans lequel j’analyse de façon plus large l’idéologie qui domine actuellement le secteur technologique.

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