Anniversaires de travail sur LinkedIn et autres hameçons de l’industrie numérique

Périodiquement, je reçois des messages sur LinkedIn pour mes “anniversaires de travail”, ainsi que des invitations de la part de la plateforme à souhaiter moi-même un joyeux anniversaire de travail à mes contacts « pour les X années passées dans leur poste. » Si quelqu’un a travaillé pendant 30 ans dans la même entreprise, on comprend que celle-ci désire primer sa fidélité ou que les collègues organisent une petite fête à cette occasion. Mais le concept d’anniversaires de travail sur LinkedIn est complètement artificiel et son unique but est de créer un hameçon afin de générer de l’interaction entre utilisateurs, les maintenir connectés plus longtemps, et par conséquent, générer plus de revenus.

Beaucoup de personnes comme moi listent plusieurs activités professionnelles sur LinkedIn, chacune avec des date de début approximatives, et reçoivent ces « Félicitations » tous les 2-3 mois sans que cela ne correspondent à absolument rien. En revanche, pour rester polis, nous n’avons pas d’autre choix que de remercier ces personnes ; certaines répondent ensuite à nouveau, formant ainsi une longue boucle. C’est ce qu’on appelle une chaîne de réciprocité –un des nombreux et puissants outils qu’utilisent les réseaux sociaux pour nous accrocher de telle sorte que nous y passions beaucoup plus de temps que le nécessaire.

  Ces boucles sont comme un feu dont aussi bien l’étincelle initiale que le bois qui maintient la flamme vive ne procèdent pas des personnes, mais de la propre plateforme. La félicitation initiale nous est soufflée avec insistance par LinkedIn –dans l’exemple que nous prenons ici, ce n’est jamais le résultat de l’intention de son auteur–, générant une réaction quasi-inconsciente, en mode pilote automatique, qui nous fait envoyer un message prémâché par la plateforme, sans questionner ce qu’on fait. Le reste de la conversation souffre également des interférences de LinkedIn –par exemple, à travers des messages pré-écrits qui nous sont suggérés– donc il est permis d’affirmer qu’on n’a pas à faire à une véritable conversation entre deux individus.

  Tant que les business models des plateformes dépendront du temps que nous naviguons dessus et non de leur utilité, elles seront incitées à nous maintenir connectés de cette façon et à capter notre temps –et par conséquent, une partie de ce que nous sommes. Mais un autre point essentiel, que je développe en détail dans Anesthésiés, a trait au fait qu’une bonne partie de l’industrie numérique tend à nous pousser vers des comportements automatiques, dépourvus de sens, dans lesquels nous nous transformons nous-mêmes dans des machines, en répondant à leurs injonctions au lieu que ce soyons nous qui leur donnions des ordres.

  Les « anniversaires de travail » sur LinkedIn constituent un petit échantillon de cette inversion qui se produit dans le paradigme qui domine actuellement, dans lequel la technologie tend à utiliser les humains et non le contraire.

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